moreno bernardi et le mouvement

MORENO BERNARDI ET LE MOUVEMENT

©morenobernardi

 

J'analyse le mouvement comme «fragment du mouvement », puisque le mouvement en tant que tel il est une entité continue d'une nature infinie et  temporaire, sans début ni fin. Il n'y a pas des mouvement qui proviennent d'un point 0. 

Le mouvement chorégraphique est divisé en 4 parties, ce qui est l'union d'un temps et d’un espace. Je vois  4 catégories du mouvement (printemps, été, automne, hiver). Chaque catégorie se divise de 4 temps et de 4 espaces. Chaque mouvement visible, appartient à l'une des 4 catégories, et il est  somme de un ou plusieurs temps et un espace ... ici les 4 catégories.

 

· Printemps

Mouvement participatif limité par l’espace de l’autre˟, créateur d’un possible espace commun. Mouvement de la rencontre inévitable par le biais de la force dynamique et indépendante des formes. La perception, pour celui qui y assiste, de capter les relations entre les manifestations du mouvement musical, rythmique et actif des/du corps. Bouleversement à distance, surgie à la fois de la proximité et de l’éloignement des formes. Le verbe japonais kaku est le même pour décrire à la fois “écrire” et “peindre”. C’est également le “danser”, expression de la personnalité du mouvement, qui écrit, peint et surtout incarne ce qu’il évoque. Les espaces construits entre les mouvements des corps se révèlent être similaires à des microcosmes, qui s’unissent comme un puzzle à distance. Le mouvement qui ne s’expose pas pleinement, s’occulte derrière la relation spatiale avec l’autre˟. Le mouvement naturel de l’instant qui ne s’achève jamais et qui se transforme selon l’évolution de son environnement. Notre esprit cherche une fin tandis que le mouvement cherche des directions; c’est le mouvement ouvert.

 

· Eté

Par le même naturel avec lequel les corps se laissaient captiver par le mouvement, c’est maintenant le moment pour ce dernier de séduire les assistants. Une esquisse continue de ce qu’il demeure de chaque mouvement qui, avec force, tente de se figer dans la mémoire pour ensuite tenter de revenir à chaque instant. Le mouvement qui demande à ce qu’on perçoive le fond sur lequel ce dernier s’appuie, en contact immédiat avec sa réalité, sans tenter de l’ordonner ni de la systématiser. Un temps-espace qui se manifeste librement pour que l’on ne s’occupe que des sensations que communiquent les mouvements. La nature des formes change selon la manière dont elles sont assimilées par le spectateur. Il s’agit en effet d’un mouvement qui manque de tout, mais qui pour cette raison même, couvre, protège et accueille. Un mouvement hakanaku (« sans la moindre signification », « ce qui se trouve à la limite du rien »), qui, de par cette spécificité même, est simple d’approche à la vue, proche pour l’ouïe : le mouvement nocturne, sonore. Le mouvement qui accepte d’être humain, le corps-personne, le mouvement-manifestation de ce qui ne se voit pas par le fait de ne pouvoir être entendu. Le mouvement qui donne, car c’est son instinct de le faire.

 

· Automne

Le mouvement de la pause, du –ne rien penser-. Le mouvement impassible face à l’être humain qui tente sans interruption de comprendre quelque chose, le mouvement compatissant avec un corps, qui tout en le construisant, lui donne une forme. Le mouvement « d’autrui », celui « d’un autre endroit ». La perception lente et ronde des formes sous la pleine lune. Les relations des adieux d’un mouvement qui n’arrive pas à s’éloigner, qui nous oblige à nous y habituer, qui même lorsque nous tentons de nous y échapper, demeure à nos côtés. Le mouvement kankakuteki (sensoriel) et sokubutsuteki (matériel), ne se laissent pas imaginer mais communiquent plutôt directement et sèchement avec la totalité du corps et des os. Le mouvement de la mort pressentie, comme lorsque les ailes d’un oiseau se déploient pour la première fois sans pouvoir trouver la vie et la force nécessaire pour se refermer, paralysées pour toujours. Le mouvement ouvert à l’inévitable et à l’infini. Le mouvement qui ignore sa mort, mais lorsque celle-ci le rattrape, sans en connaître la durée. Le mouvement qui s’entend au loin, se voit de près et nous illumine de face.

 

· Hiver

Si en automne chacun des corps exposait un mouvement, il n’est désormais plus qu’un seul à se manifester, l’autre passant sous silence. Le mouvement qui ne se transmet pas seulement lui-même, mais plutôt depuis lui-même. Tout ce qui existait auparavant est maintenant son opposé ou son possible opposé : le mouvement, la forme, le rythme et l’espace. Le mouvement précédant la tempête qui n’est pas agitée par le vent, se déplaçant de tout côté pour se situer inévitablement au sein même du vent. La forme qui reprend physiquement l’objet abandonné, ce qu’une autre forme a laissé ou perdu ; une forme qui choisit, sélectionne : lignes, espaces, relations, points d’appui. La forme qui se déplace en toute liberté quand personne ne la remarque, la forme sans poids. Le mouvement ikinokoru, qui selon son étymologie japonaise constitue le mouvement de deux formes, le mouvement qui n’a toujours pas dépensé la vie qu’on lui avait attribuée ou le mouvement laissé en vie, un mouvement reconnaissant, humble, qui survit dans le temps, l’espace et le rythme; car il ne fait que changer de forme, face à notre regard, et de direction selon les points infinis de son propre regard.

 

˟ l’autre: l’autre mouvement qui est base de la forme et/ou l’autre corsps, le partner.

©morenobernardi